Rencontrer la Champagne autrement : Petite immersion chez les producteurs indépendants de la Côte des Bar

17/09/2025

Un autre visage du champagne, au sud de la Champagne

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D’aucuns connaissent la Côte des Bar pour ses collines mouchetées de pinots et de meuniers, cette mosaïque de petites parcelles qui s’étend entre Bar-sur-Seine et Bar-sur-Aube, parfois loin des projecteurs braqués sur Reims ou Épernay. Moins médiatisée, cette sous-région représente à elle seule plus de 21% du vignoble champenois (source : Comité Champagne). Ici, la plupart des domaines sont de taille très modeste, souvent familiaux, où la vigne se transmet de génération en génération.

En Côte des Bar, la force réside dans ce tissu serré de petits producteurs indépendants qui cultivent un savoir-faire hérité, patiemment ajusté à chaque millésime, et qui invitent les curieux à entrer de plain-pied dans les coulisses du champagne. Mais quelles sont les adresses à ne pas manquer pour une rencontre vraiment incarnée, loin des visites stéréotypées ? Plongée, verre en main, dans une Champagne confidentielle, sincère, et passionnée.

La Côte des Bar, terre d’accueil des vignerons artisans

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Ce territoire, plus proche de Chablis que de la Montagne de Reims, affiche des particularités géologiques affirmées. L’argilo-calcaire kimméridgien distingue ce terroir et donne, notamment grâce au pinot noir (planté sur 86% de la surface), des champagnes d’une belle vinosité, puissants et précis (source : Champagne.fr).

C’est aussi le berceau du renouveau indépendant en Champagne : en 2022, la Côte des Bar comptait plus de 195 récoltants-manipulants (vignerons produisant leur propre champagne). Un chiffre qui a doublé en vingt ans, et a entraîné une éclosion d’expériences œnotouristiques singulières – loin du “tout formaté”.

Pourquoi les petits producteurs séduisent-ils en Côte des Bar ?

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  • Traçabilité et transparence : Vous dégustez où le raisin a été cueilli, vous voyez parfois les vignes depuis la cave. L’étiquetage précise de plus en plus la parcelle, l’année et le mode cultural.
  • Rencontres personnalisées : Les visites sont souvent familiales, menées par le vigneron ou un proche. Anecdotes, histoires de vendange, gestes du pressoir : tout est à portée d’oreille et de main.
  • Micro-cuvées, créations uniques : Beaucoup produisent de minuscules séries de bouteilles, parfois à peine quelques milliers – à l’inverse des grandes maisons aux volumes imposants.
  • Prix plus accessibles : Les tarifs, sans intermédiaire et sans le marketing des maisons prestigieuses, ouvrent la dégustation à tous les publics.

Pour le voyageur curieux, c’est aussi l’occasion de découvrir les vins “single terroir” ou “mono-cépage”, de s’initier à l’impact du bio et du travail à la main, d’échanger sur la taille, le temps et le climat, loin des discours formatés.

Quelques adresses emblématiques pour des expériences authentiques

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Sélectionner cinq ou six domaines n’est pas simple : le choix s’est opéré par l’évocation d’un accueil soigné, d’une démarche sincère et d’un intérêt œnotouristique avéré, d’après plusieurs sources spécialisées et labels (Guide Hachette, Champagne Terroir, Réseau Vignobles & Découvertes, etc.).

1. Champagne Pierre Gerbais à Celles-sur-Ource

  • L’approche : Enraciné depuis quatre générations dans la même famille, Pierre Gerbais développe une viticulture biodynamique réfléchie et propose un accueil direct dans la propriété, avec promenade possible entre les ceps.
  • Le plus : La découverte des cépages oubliés, comme le pinot blanc, et un attachement rare à la biodiversité (haies, vergers, ruches sur la propriété).
  • Pour les curieux : Leur cuvée “L’Originale”, pure pinot blanc, illustre magnifiquement la diversité champenoise.
  • Source : Pierre-Gerbais.com / Table de dégustation sur rendez-vous.

2. Champagne Fleury à Courteron

  • L’approche : Pionnier du bio en Champagne (conversion entamée dès 1989), la famille Fleury accueille au chai et dans une salle de dégustation typique, dominée par le bois et la lumière naturelle.
  • Le plus : Possibilité de participer à des ateliers didactiques : biodynamie, balades pédagogiques dans leurs vignes, découverte des sols kimméridgiens à la loupe.
  • Pour les curieux : Dégustation des vins clairs (vins de base non effervescents), très pédagogique pour comprendre l’art de l’assemblage.
  • Source : Champagne-Fleury.fr / Domaine labellisé “Vignobles et Découvertes”.

3. Champagne Vouette & Sorbée à Buxières-sur-Arce

  • L’approche : Sur moins de 6 hectares, Bertrand Gautherot façonne des champagnes de caractère, bios et vivants. Les dégustations, en cave ou dehors sur les coteaux, se font souvent en petit comité.
  • Le plus : Découvrir la vinification en amphores et l’usage rare de cépages anciens (pinot meunier, pinot blanc).
  • Pour les curieux : Les vins non dosés et non filtrés révèlent la pureté du fruit.
  • Source : vouette-et-sorbee.fr / Dégustation sur réservation uniquement.

4. Champagne Dosnon à Avirey-Lingey

  • L’approche : À la frontière entre Côte des Bar et Chablisien, ce domaine travaille en bio non certifié, et privilégie les vinifications sous bois (fûts de Bourgogne).
  • Le plus : Atelier d'assemblage (sur réservation), visite du chai et explication passionnante sur la maturation en fûts.
  • Pour les curieux : Leur cuvée “Récolte Noire” en pinot noir révèle toute la typicité sud-champenoise.
  • Source : champagne-dosnon.com / Accueil chaleureux, petite production.

5. Champagne Marie-Noelle Ledru à Ambonnay

  • L’approche : Figure emblématique et l’une des premières vigneronnes à travailler seule. Ici, la visite se fait souvent en toute intimité, guidée par la précision du geste et la parole mesurée.
  • Le plus : Découverte d’un travail artisanal, de la taille jusqu’à l’habillage des bouteilles, parfois réalisé à la main !
  • Pour les curieux : Des champagnes “brut nature” qui expriment la minéralité du terroir.
  • Source : Guide Bettane+Desseauve, Decanter Magazine.

6. Champagne Clandestin à Buxières-sur-Arce

  • L’approche : Projet collectif de jeunes vignerons désireux de révéler des terroirs cachés et oubliés. Dégustation de micro-cuvées, parfois de moins de 3000 bouteilles.
  • Le plus : Accueil spartiate mais passionné, vins “nature”, zéro dosage, zéro intrant.
  • Pour les curieux : Goûter un vin blanc effervescent de pur pinot blanc, presque inédit dans la région.
  • Source : laRVF, Terres et Vins de Champagne.

Une immersion conviviale : comment bien préparer sa visite ?

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L’expérience Côte des Bar se vit à un autre rythme : ici, pas ou peu de visites sans rendez-vous. Les vignerons alternent cave, chai, vigne, famille… Préparez votre passage :

  • Contactez toujours avant : 80% des visites se font sur rendez-vous, le plus simple est d’appeler ou d’envoyer un mail via le site du domaine.
  • Prévoyez du temps : Comptez entre 1h30 et 3h pour une visite-dégustation, surtout en période de vendanges ou de dégorgement.
  • Soyez curieux et ouvert : Rien n’est “marketé”. Les “erreurs” ou aléas du métier se racontent, voire se goûtent. On parle climat, gel tardif, cépages rares, essais sans soufre…
  • Respectez le rythme local : Les petits domaines ferment parfois entre 12h et 14h ; le dimanche, nombre d’entre eux sont à la vigne ou en famille.

Certains producteurs proposent aussi des activités insolites :

  • Atelier vendangeur d’un jour (septembre)
  • Balades vigneronnes avec dégustation dans la vigne
  • Découverte sensorielle “vins clairs” (encore rares en France)

Retrouvez l’offre actualisée auprès de l’office de tourisme de Bar-sur-Aube (bar-sur-aube.org) ou via la Fédération des Vignerons indépendants de Champagne.

Anecdotes, chiffres et histoires singulières

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Les indépendants de la Côte des Bar revendiquent aujourd’hui près de 8 500 hectares de vigne (chiffres 2023 du Comité Champagne). Sur ce territoire, la taille moyenne des exploitations est de 4,9 hectares (contre 10,4 hectares dans la Marne). Un chiffre symbolique : 95% des exploitations sont détenues par des familles, très loin de la logique des marques mondialisées.

Le retour à la vigne du pinot blanc, oublié depuis la crise du phylloxera, refait doucement surface dans les verres et sur les ardoises des restaurants locaux (cf. cuvées Gerbais ou Clandestin), signalant un regain d’intérêt pour les cépages d’autrefois.

En 2021, lors du festival “Champagne Day”, plus d’un tiers des visites avait été enregistré chez des vignerons de la Côte des Bar, dépassant pour la première fois celles de la Marne (source : Bar-sur-Aube Tourisme). Cet engouement traduit le désir du public pour des expériences personnalisées, parfois rustiques et toujours intenses.

Vers une Champagne plus humaine, saison après saison

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Le vrai luxe de la Côte des Bar se niche dans ces parenthèses de temps, d’écoute, de transmission. Au fil des saisons, des gestes essentiels se répètent : la taille, l’ébourgeonnage, le remuage à la main chez certains irréductibles… et chaque visite permet de capter un fragment rare, de toucher l’âme du métier.

C’est sans doute cette proximité – celle d’un vigneron qui partage ses doutes sur la météo du printemps ou son bonheur d’avoir sauvé une vieille souche – qui marque les esprits durablement. Loin du cérémonial figé, l’authenticité s’incarne dans le quotidien et dans la diversité des hommes et des terres. Dans ce sud de la Champagne, chaque bouteille, chaque verre goûté, résonne du travail discret et opiniâtre de ces artisans du vivant.

La Côte des Bar, enfin, rappelle que, derrière l’effervescence en surface, existera toujours un effervescent silence, celui des hommes et des femmes en dialogue intime avec leur vigne – une expérience à s’offrir au moins une fois dans sa vie.

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